Le fou dansant et le mundus inversus
Résumé
Les fous illustrent les psautiers, livres d'Heures et romans des XIIIe, XIVe et XVe siècles. Ils envahissent initiales, miniatures et marges des feuillets enluminés. Des caractéristiques visuelles très spécifiques les identifient. Avec une grande connaissance des fondements antiques, bibliques, patristiques et historiques de la folie, de la danse et de la musique, avec une inventivité éblouissante, les enlumineurs ont apporté beaucoup de soin à ces figures du mundus inversus et à la transmission de leurs modèles savants.
Dans la littérature médiévale, la folie relève du non-sens et l'insipiens ou le fol est toujours défini en relation avec la sagesse. Cette folie est double, positive et négative, naturelle et artificielle. Elle concerne à la fois l'âme et le corps. Dans cette littérature et dans les images, la figure d'autorité du Roi David est l'archétype qui donne toute sa puissance visuelle et morale à la figure du fou ; aussi elle lie le fou à la musique, à la danse, au rythme, au mouvement et à l'harmonie. L'initiale introduisant le psaume 52 (53) "Dixit insipiens" oppose toujours la vertu morale de David au péché et au vice du fou de façon marquée et renouvelée.
La folie de l'inversion religieuse est aussi celle de la Fête des Fous. Ce rituel organisé par l'Église renverse la hiérarchie ecclésiastique, parodie l'office avec danses, jeux, banquets, Office de l'Âne et Évêque des Fous. À l'ambiguïté de la figure du fou, répond celle du pouvoir qui condamne ou autorise cette inversion et ce désordre mis en scène.
À la fin du Moyen Âge, les fous dansent en groupe des farandoles impossibles ou la morisque. Ils participent aussi aux danses macabres. Ambivalents toujours, ils sont des figures incontournables des fêtes de cour, de la société d'une façon plus générale et de ses tensions, du rire et du macabre, de la vie et de la mort.
Introduction
Les fous font partie des figures illustrant les manuscrits enluminés des XIIIe, XIVe et XVe siècles. Même s’ils ne sont pas très nombreux, par rapport aux anges par exemple, ils sont toujours représentés dans les initiales, les miniatures et les marges des feuillets. Ils sont surtout présents dans les psautiers et les livres d’heures, puis au tournant du 15e siècle, ils prennent place dans les romans, tel le Roman d’Alexandre. Les enlumineurs leur ont attribué des caractéristiques visuelles les identifiant nettement: ils font tinter leurs grelots et clochettes, et jouent de la cornemuse ; ils parlent et crient (ou chantent) ; et surtout, leurs corps sont toujours en mouvement, ou plus exactement en mouvements inversés: en tournant les parties de leur corps dans des sens opposés, ils sautillent, gesticulent et dansent, seuls ou en farandoles désordonnées. Ils sont placés sous le sceau de l’inversion. Le mundus inversus est une caractéristique de la culture et de la société médiévales: tout ordre (politique, religieux, social) contient le désordre. Dans le contexte troublé des royaumes de France et d’Angleterre des XIVe et XVe siècles – Guerre de Cent ans, Schisme pontifical, épidémies de peste, troubles sociaux -, les élites ecclésiastiques et politiques du Moyen Âge ont soit toléré et même organisé les fêtes de l’inversion, comme la Fête des fous, soit ils ont essayé de les réfréner, mais leurs condamnations sont souvent restées sans effet. Leur position ambivalente peut expliquer le fait que dans les arts visuels, les fous sont toujours en relation avec les autorités et les gouvernants tels les rois, les ducs et les évêques. Les relations ambivalentes et inversées des fous rappellent que la folie est toujours associée à la sagesse au Moyen Âge (et moins avec la raison).
Les images traduisent cette culture de l’inversion particulière à la société médiévale, notamment par les figurations des fous en train de sauter et de danser. Elles témoignent de l’inventivité figurative des enlumineurs pour représenter les corps en mouvement des fous dans les images fixes que sont les enluminures – le « dessin animé » avant l’heure. Cette inventivité atteste de la grande connaissance des peintres sur les fondements antiques, bibliques, patristiques et historiques de la folie, mais aussi de la musique et de la danse. Elle montre aussi en quoi la folie associée à la musique et la danse fut, pour les lecteurs (clercs et nobles laïques), un mode de compréhension et d'interprétation de l'humain - créature de Dieu - dans la culture judéo-chrétienne médiévale. Elle rappelle que les images ne sont pas des reproductions de la réalité, mais qu’elles correspondent à ce que l’historien de l’art Pierre Francastel nommait la "pensée figurative" médiévale1, à savoir penser en images le monde et la société selon des modèles culturels hérités et fondamentaux, en l'occurrence le roi David, le Christ, Dieu. L'étude dans et par les images de la folie et de la danse en musique rend compte de la profondeur théologique et anthropologique des réflexions sur l'humain et son Créateur aussi bien de la part des peintres que des lecteurs.2 Car les « petits fous dansants », loin de simplement amuser le lecteur, perpétuent des modèles d’autant plus savants qu’ils sont figurés dans des livres, objets prestigieux de la culture - rappelons que la société médiévale est fondée sur la culture du Livre.3 Sur ce fondement culturel majeur, au moyen du livre, les enlumineurs se sont adressés à l’homme croyant et, dans l’idéal, éduqué à la lecture, au chant et à la musique. Par le texte et l’image, ils ont semble-t-il fait le choix de traiter de façon décalée la question de l'homme créé à l’image de Dieu, doté d'un corps et d'une âme, d'une rationalité et du langage. En créant des figures étonnantes, ils ont usé de la puissance visuelle et mémorielle des images afin d’édifier le lecteur dans la folie versus la sagesse.4
L’analyse des images s’appuie sur les questions suivantes: comment et surtout à quelles fins les fous sont-ils figurés en relation avec la danse et la musique spécialement dans les images médiévales ? De quoi les figurations du fou dansant sont-elles l’image et le miroir ?
Dans l’ordre chronologique, entre le XIIIe et le XVe siècle, les fous dansant en musique sont représentés sous quatre formes. En aucun cas, il ne s’agit de malades mentaux. En d’autres termes, ils jouent la folie pour des raisons religieuses et sociales et suivent le rythme du calendrier liturgique: 1) l’insensé sautillant et gesticulant devant le roi David; 2) les processions de la Fête des fous; 3) les farandoles de fous et la morisque dans les cours royales et princières; 4) la danse macabre.
I. "Folie" et "musique" ou le principe commun de l'inversion
1) Folie et sagesse: l’« ambivalence ambiguë »
L'étude de la folie médiévale dans les images se fait toujours au risque de l'anachronisme. D'une part, l'historiographie moderniste a fixé l'image d'Epinal du fou de cour5; il faut s’en départir par la lecture critique des documents médiévaux, textuels et iconographiques et grâce aux travaux de Jacques Heers6, Danielle Jacquart7, Muriel Laharie8, Jean-Marie Fritz9, Max Harris10, Olga Dull11.
D'autre part, à juste titre, les définitions générales de la folie données par les dictionnaires de langue s’inscrivent dans l’épistémologie de la folie qui la distingue, depuis le XVIIe siècle, de la raison, et l’annexe à la psychiatrie, comme l’a montré Michel Foucault dans l’Histoire de la folie à l’Âge classique.12 Cependant, cette « histoire du partage entre la folie et la raison » ne définit pas la folie médiévale. Car celle-ci relève plutôt du non-sens. Dans les discours médicaux, littéraires, théologiques et juridiques, la folie médiévale est double, positive et négative, naturelle et artificielle. Elle n’est définie qu’en relation avec la sagesse.13 Comme l’a montré Jean-Marie Fritz,14 depuis l’Antiquité grecque et latine, plusieurs types de fous s’opposent au sage: 1) le fou naturel, à savoir le malade mental, l'innocent ; 2) l'insipiens, c'est-à-dire le non-sage, celui qui ignore Dieu ; sa folie est une privation de la raison: in-sania, in-sipientia, de-sipientia, a-mentia, de-mentia15, il est aussi appelé stultus ou fatuus ; enfin 3) le fou furieux, c’est-à-dire le forcené, malade aussi, mais au sens de possédé, il est atteint de furor due à des passions violentes qui secouent l’âme et le corps. En langues vernaculaires, l’opposition entre insania et furor est traduite par dervé, forsené ou fol. Fol tient son origine étymologique de follis, le « soufflet », le « sac plein d’air », c’est-à-dire la « tête vide », éventée.
La dualité de la folie est cependant plus complexe. Elle consiste plutôt en une « ambivalence ambiguë » variant selon les auteurs et les milieux de production des discours. Les fous de Dieu des XIe et XIIe siècles, c’est-à-dire les ermites, les hérétiques ou les fondateurs d’ordres religieux nouveaux, en sont l’incarnation : leur foi est excessive à la folie. En effet, dans le mouvement des réformes grégoriennes, inspiré par le modèle érémitique du christianisme oriental, des hommes épris de Dieu tels saint Bruno (vers 1030-1101), fondateur de l’ordre des Chartreux, et Robert d’Arbrissel (vers 1045-1116), à l'origine de la création de l’abbaye de Fontevrault, illustrent la sainte folie.16 Robert d’Arbrissel, par exemple, prend exactement les traits de l’insipiens sous la plume de Marbode, l’évêque de Rennes (1096-1123): « Un habit abject sur une chair écorchée par le cilice, un capuchon troué, les jambes nues, la barbe hirsute, les cheveux coupés court sur le front, tu t’avances pieds nus dans la foule et tu offres un incroyable spectacle à l’assistance ; on dit que seule te manque une massue pour avoir l’air d’un fou (lunaticus) ».17
Quels que soient le terme et le type de folie, celle-ci étant située dans l'âme et reliée au corps, la méthode choisie consiste à observer les différents fous dansants dans leurs relations avec la musique.
2) La musique: science antique et sapience biblique
La musica est l’un des sept arts libéraux. Hérités de la paideia athénienne, ceux-ci comprennent le trivium – les sciences du langage (grammaire latine, rhétorique, logique) – et le quadrivium – les sciences mathématiques du nombre (arithmétique, géométrie, musique et astronomie). Aux XIe et XIIe siècles, ils étaient étudiés dans les écoles monastiques, cathédrales et urbaines. Puis à partir du XIIIe siècle, ils firent partie du cursus de la Faculté des Arts.18 La raison d’être était le Verbe divin, son expression par le chant liturgique, la copie et la décoration des codices, et l’exégèse.19
La musica est une science mathématique fondée sur la proportio20, d’origine pythagoricienne, désignant le « nombre sonore », c’est-à-dire la consonance rationnelle des sons. Avec la ratio, elle contribue au discernement par les sens et l’intelligence - on perçoit ses liens avec la folie/sagesse. Fondée sur le mouvement mesuré, elle désigne « l’art musical qu’on entend » au moyen des mots, des sons, des rythmes et des modes.21 Platon la définit comme toute forme d'art capable d'engendrer l'ordre et l'harmonie, comme le chant, la danse et la poésie.22
Cependant, la musica antique et savante paraît bien éloignée du fou jouant soit de la cornemuse, des grelots et clochettes ou prononçant des paroles. Aussi, de quelle « musique » est-il question dès lors qu’elle est rapportée à la « folie » dans les images (est-elle harmonieuse, sonore ?) ? Pourquoi les enlumineurs ont-ils joué sur ce paradoxe spécialement dans les livres destinés aux élites cultivées (clercs, nobles) ? Et comment ont-ils procédé pour représenter visuellement ce paradoxe ?
Deux modes de relations permettent de comprendre l'association paradoxale entre la musica et la folie dans les images. L’un est musical (la proportio)23, nous venons de le voir, l’autre est rhétorique (l’inversio)24. L’inversio est synonyme en rhétorique d’allegoria et de permutatio, signifiant le contraire de ce que l’on veut dire.25 L'inversion correspond au principe même du mouvement de la folie, inverse de la sagesse et moteur du mundus inversus. Opérant par l’inversio, la folie agit au-delà de la proportio dans des ordres de grandeurs extrêmes.26 "Elle dépasse les bornes", dans le sens où elle manifeste tantôt un excès (d'orgueil par exemple), tantôt une insuffisance (de piété) par rapport à une norme: Dieu. La folie se définit ainsi en fonction de son degré de relation au monde et à Dieu. L’un de ses fondements est exprimé en termes musicaux dans le Livre de la Sagesse 11, 20-22: « Tu as tout ordonné avec mesure, nombre et poids, / car toujours il t’est possible de montrer ton immense puissance [...]. Devant toi, le monde entier est comme un rien qui fait pencher la balance [...] ».
La danse, quant à elle, est une forme d’expression corporelle de la musique fondée sur le rythme.27 Elle est animée par les mêmes principes arithmétiques et géométriques de mouvement que la musique. Ses figurations représentent en quelque sorte la musica harmonique, organique et rythmique. Les images médiévales étant fixes, la « danse en solo » est figurée par une jambe levée ou des gesticulations. Les danses collectives prennent plutôt la forme d’une farandole, d’une carole ou d’une ronde.
A partir de ces définitions et principes rhétoriques, il importe à présent d’observer les images médiévales de « fous dansants » dans des contextes religieux: l’insipiens et le roi David dans les psautiers et les livres d’heures ; le rituel liturgique de la « Fête des Fous ».
II. La folie de l’inversion religieuse: gesticulations et Fêtes des fous
1) Les gesticulations de l’insensé devant le roi David
Le fou en tant que « danseur isolé » se trouve dans les livres de prières.28 Soit il est seul dans l’image29, soit il est face ou à côté du roi David30: il lève une jambe, tourne la tête dans le sens opposé de son corps, parle à sa marotte, et souvent tourne le dos au roi qui est en prière. Les enlumineurs ont insisté sur son corps dont les mouvements et leur inversion sont renforcés par les vêtements très colorés et les grelots du fou.31
Ce type de fou dansant est figuré dans les livres de prières et plus particulièrement en introduction du psaume 52 (53) « Dixit insipiens ».32 Opposé à David, l’auteur des psaumes et roi de l’Ancien Testament, il prononce des paroles blasphématoires dès le premier verset. Il n’a pas été représenté dans un but illustratif ou divertissant, mais pour des raisons morales. Dans le Bréviaire de Jean sans Peur33, l’opposition est marquée entre David et le fou, par le fait qu’ils se tournent le dos: le roi est agenouillé en prières devant Dieu, tandis que le fou habillé de rouge, bleu, jaune et blanc sautille en regardant sa marotte. D’un côté, David loue Dieu en son âme ; d’un autre côté, le fol ne reconnaît pas Dieu en son cœur.34 De même, dans le Psautier de Charles VIII35, David dialogue en silence avec Dieu, sa prière étant allégorisée par la harpe qui repose à côté de lui. A l’inverse, le fol parle à sa marotte en désignant le roi du doigt. Verbeux, il se détourne de Dieu et exprime le blasphème qui est un péché d’orgueil36: « Dixit insipiens in corde suo, non est Deus ». Le verset signifie, non pas une ignorance, mais un refus de Dieu, une négation de son existence « en son cœur ». Ainsi, le fou sautillant représente le péché et le vice, alors que David incarne la vertu morale.
Cependant, toujours dans le cadre religieux, les gesticulations et sauts de l’insensé peuvent être institués et autorisés par l’Eglise, comme c’est le cas lors de la Fête des fous.
2) Les danses de la Fête des Fous dans les églises
La Fête des fous est un rituel organisé par le haut-clergé de la cathédrale et célébré par le bas-clergé, c’est-à-dire par les diacres, les sous-diacres, les enfants de chœur. Initialement connue sous le nom de la Fête de la Circoncision ou la Fête de l’Âne aux XIIe et XIIIe siècles, elle s’est appelée la Fête des Fous au XVe siècle quand elle s’est prolongée dans les rues de la ville pendant Carnaval.37 Pendant quelques jours, entre le 26 décembre – fête de la Saint Etienne – et le 1er janvier – la Circoncision -, ou le 6 janvier - l’Epiphanie38, à l’intérieur de l’église, les jeunes et les enfants renversent la hiérarchie ecclésiastique, parodient l’office et se moquent de l’évêque et des chanoines. Les célébrations prennent la forme de processions, de danses et de conduits liturgiques. Elles sont connues notamment grâce au plus ancien manuscrit à notations musicales contenant le rituel de l’Office de la Circoncision.39 La composition de cet office est attribuée à l’archevêque de Sens, Pierre de Corbeil (mort en 1222).
La fête se déroule ainsi40: les enfants de chœurs s’habillent en chanoines et s’installent à leur place dans les stalles. Aux vêpres, le chantre entonne le Magnificat: « Deposuit potentes de sede », « il a renversé les puissants de leurs trônes et élevé les humbles. Il a rassasié de biens les affamés et renvoyé les riches les mains vides ». Les enfants élisent ensuite un évêque parmi eux qu’ils habillent d’une mitre, d’une chape, de gants et des ornements épiscopaux. L’évêque des fous reçoit la crosse et est installé sur le siège épiscopal pour recevoir les révérences dues à un véritable évêque. Il offre un festin et du vin aux enfants au cours de l’office qui est long. Il dure toute la nuit, alterne les veilles et les chants, les danses et les processions. L’Office de Beauvais indique que l’évêque des fous processionne dans la nef juché sur le dos de l’âne.41
L’âne est amené à l’autel au chant d’un « conductus ad tabulam », le chantre entonne l’Office de l’Âne.42 Il débute par un chant d’allégresse « Loin d’ici ce qui est triste ! » et introduit « la Prose de l’Âne » - Orientis partibus, dont les premières paroles sont des formules de joie - « In januis ecclesiae / Lux hodie, lux laeticie », « Ce jour est un jour de joie (...). Ceux qui célèbrent la fête de l’âne ne veulent que de la gaieté ».43 « La Prose de l’Âne » est suivie par d’autres pièces du cycle de Noël, rythmé par les heures du jour et de la nuit. La lecture de l’Office ne laisse a priori rien entrevoir de scandaleux. Toutefois, les joyeuses imitations de l’âne « Hez ! sir asne hez ! hez », ainsi que les conduits dédiés au jeu44, à la boisson45, aux repas46, célèbrent avec excès le moment eucharistique dans un joyeux mundus inversus. Par son insistance sur l’âne et les enfants, ce rituel d’inversion est une exaltation de la pauvreté d’esprit, de l’innocence et de la sainte folie. Il a ses fondements dans les paraboles de l’Evangile de Luc où les enfants et les pauvres47 sont élevés au rang de puissants dans le royaume de Dieu.48
Tout au long du Moyen Âge, la position des ecclésiastiques vis-à-vis de la Fête des fous a été ambiguë, car l’Eglise en a certes condamné les excès – en vain -, mais ne l’a pas vraiment interdite. Au XIIe siècle, elle est tolérée comme le montre Eudes, l’évêque de Paris, qui la réforme au lieu de l’abolir.49 Certains clercs de Notre-Dame écrivent des pièces musicales spécialement pour cette célébration, comme par exemple Pérotin qui a composé un conductus à trois voix, Salvatoris hodie50. Toutefois, l’Eglise n’a pas tardé à condamner les débordements: le légat pontifical Pierre de Capoue écrit en 1198 à l’évêque de Paris, Eudes, pour déplorer les « enormitas », la « pollution des mots », les « effusions de sang »51; en 1210, le pape Innocent III (1160-1216) s’élève à son tour avec véhémence contre ces pratiques indignes des membres du clergé52; le concile de Paris en 1212 renouvelle l’interdiction aux archevêques et aux évêques de tolérer et, pire, de soutenir ce genre de rituel. Au XVe siècle, malgré la condamnation renouvelée de cette fête par le concile de Bâle en 1435, le duc de Bourgogne Philippe le Bon décida de maintenir la fête et fit rédiger en 1454 la charte du Privilège des Fous de sa chapelle, dans laquelle il leur demanda de faire « la Fête bonne et belle » et « sans faillir ».53 Il existe peut-être une corrélation entre la figuration de l’évêque des fous couverts de grelots dans la Bible de Nicolas Rolin (vers 1450), le chancelier de Philippe le Bon, et à la même date, en 1454, l’institution de la fête des fous à la chapelle ducale. De plus, la même année fut créée à Dijon, en Bourgogne, la « Compagnie de la Mère Folle » et, avec elle, la « Fête de la Mère Folle ». Celle-ci fut célébrée dès 1454 par environ cinq cents « confrères » de "toute qualité", déguisés, dansant dans la ville et produisant des spectacles satiriques sur des chariots. La coiffe de la « Mère Folle » était jaune et verte avec un grelot – elle est aujourd’hui conservée au Musée de la vie bourguignonne à Dijon. Datant de l'extrême fin du XVe siècle, sa bannière représente deux fous vêtus de jaune et rouge, sautant en se tenant « tête-bêche » et en se pétant au nez, surnommés pour cette raison les Pétengueules.54
III. Les fous des danses de cour: farandoles et morisque
1). Farandoles et déguisements
Les livres profanes, royaux et princiers, représentent aussi des fous en train de danser, comme par exemple le Roman d’Alexandre.55 Ce précieux manuscrit fut enluminé à Bruges dans les années 1340 pour être offert par la reine Philippa de Hainaut en cadeau au roi d’Angleterre Edouard III (1327-1377).56 Presque tous les feuillets sont décorés de marges dans lesquelles dansent des fous, des jongleurs, des personnages déguisés, des singes, et chantent des oiseaux. Par exemple, sur le folio 84 verso, deux fous jouent de l’orgue portatif et de la cornemuse ; cinq danseurs sont déguisés en fous: ils portent des coiffes bicolores (rouge et bleu, rose et rouge) avec des grelots ; ils forment une farandole « impossible », car ils gesticulent, s’agitent et sautent dans des directions inversées. Leur déguisement de fous et leur danse folle évoquent les fêtes de Carnaval.
Les fous, ainsi que les ménestrels, les jongleurs et les animaux, étaient nombreux à fréquenter la cour d’Edouard III57 où les fêtes étaient réputées. Tout comme celles de la cour de Bourgogne au XVe siècle58 dans lesquelles le fou jouait de la musique – la cornemuse -, dansait et faisait danser la cour, comme le montre la miniature des Chroniques de France et d’Angleterre de Jean de Wavrin. L’une de ces « danses de fous » peut-être identifiée dans certains manuscrits religieux et profanes ayant appartenu à la noblesse. Il s’agit de la morisque.
2) La morisque des fous
La morisque est représentée dans les manuscrits princiers. Elle est identifiable dans les enluminures des manuscrits de La Cité de Dieu, dont un exemplaire est conservé à La Haye.59 Dans l’image, les fous et les folles dansent nus au son des grelots et des tambourins60 ; ils sont associés à l’idolâtrie et au paganisme que condamne le texte de saint Augustin. La vivacité de leurs pas fait penser à la "moresca".61 C’est une danse rapide, d'origine maure, comme son nom l'indique, à la mode dans les cours européennes aux XVe et XVIe siècles. Ses origines orientales sont rappelées par exemple dans le somptueux Livre des Merveilles de Marco Polo.62 Ce livre de récits de voyages en Extrême-Orient et en Asie a été enluminé par l'atelier du Maître de Boucicaut pour Jean sans Peur qui l'offrit à son oncle, le duc Jean de Berry en janvier 1413. Tous les musiciens et les danseurs représentés dans ce manuscrit ont des allures de ménestrels et de fous de cour, mais ils sont vêtus à l'orientale avec des turbans, des foulards aux couleurs vives et mi-parties, des grelots.
Dans la réalité sociale, les comptabilités du duc de Bourgogne Philippe le Bon mentionnent l’emploi d’un danseur de morisque à la cour nommé Estevenin Paresis63 - il en a employé d’autres. Ces documents comptables montrent aussi la ressemblance vestimentaire entre les danseurs de morisque et les fous de la cour: Les uns comme les autres portent des vêtements très colorés, confectionnés dans des matières luxueuses et agrémentés de sonnettes et grelots. Par exemple, Hue de Boulogne, peintre et valet de chambre de Philippe le Bon, a reçu en 1428 la commande de (traduction sommaire du compte) « sept habits de drap en soie de plusieurs couleurs faits d’étrange façon, propices à danser la morisque, agrémentés de peaux d’or et d’argent, d’une paire de chausses de toile rayées d’or, de souliers et de sonnettes faites de têtes de serpent pour tous les habits servant à danser la morisque ».64
L’agilité et la souplesse demandée par la morisque, alliées à ses origines orientales, contribuaient-elles à ce qu’elle soit perçue comme une danse folle ? Si tel est le cas, cela pourrait expliquer pourquoi les enlumineurs l’ont représentée avec des fous, que cela soit dans des manuscrits religieux ou profanes.
Toutefois, les danses des fous ne sont pas toutes aussi joyeuses, comme le montrent les danses macabres de la fin du Moyen Âge.
IV. La danse des morts, miroir des vivants et de la société
Les représentations des danses macabres se développent en Europe au XVe siècle, dans les fresques murales, les manuscrits enluminés et les livres imprimés (incunables).65 Elles puisent leurs origines dans le Dit des trois morts et des trois vifs66 (représenté par exemple dans le Psautier de Robert De Lisle67). Ces danses font alterner un vivant (« vif ») et un mort qui se tiennent par la main. Elles sont représentées par une farandole ordonnée selon la hiérarchie sociale : le premier vif et son double sont le pape, puis l’empereur, le roi, le prince, le cardinal, etc., jusqu’au laboureur, au fou et à l’enfant. Les squelettes représentent les vivants quand ils seront morts, ils sont les doubles des vivants.
Rythmées par la musique des squelettes, les danses macabres prennent la forme soit d’une farandole, plus exactement d’un trepidum68, soit de couples de danseurs, le mort et le « vif ». Généralement, les morts jouent de la cornemuse, de l’orgue, de la harpe, de la trompette et du tambourin. Ils sont placés soit à l’écart devant la danse, comme par exemple à la Chaise-Dieu et dans l’église Sainte-Marie de Berlin ; soit ils mènent la danse, comme à la Ferté-Loupière en Bourgogne. Par leurs instruments, ils font référence aux antiques psychopompes musiciens, tels les sirènes.
Le fol, vêtu de son habit à grelots, fait partie de la farandole. Appelé le « sot », il est notamment représenté dans les livres incunables (imprimés) de La Danse macabre de Guyot Marchant69 et d'Antoine Vérard70. Il danse dans la farandole car, comme le roi ou l’évêque, il fait partie de la société. Mais sa présence s’explique plus sûrement par les thématiques humanistes de l’époque: les poètes, tels Charles d’Orléans ou François Villon, ont déploré la folie des hommes, la mélancolie du temps, le caractère éphémère de la vie et la peur de la mort. Dans la danse macabre, le sot participe à la farandole de la vie conduite inexorablement vers la mort. Il préfigure le fou qui, dans l’Eloge de la folie d’Erasme (1511), dit à chacun sa vérité71, dénonce le tragique de la folie du monde et en appelle à la conscience morale de l’homme.72
Conclusion
Ainsi au cours de la période des XIVe et XVe siècles, les images des « fous dansants » mettent en scène une diversité de danses et de fous: l’insensé du psaume Dixit insipiens, l’évêque des fous de la Fête des fous, les danseurs de Carnaval, le danseur de morisque, le « sot » de la danse macabre. Les formes visuelles divergent, cependant dans un contexte de troubles politiques, religieux et sociaux importants, les modèles et les thèmes restent communs et vivaces dans les images: l’inversion des hiérarchies sociales et religieuses et, avec elle, les tensions, les oscillations, entre la piété et l’impiété, l’ordre et le désordre, le rire et le macabre, la vie et la mort.
1 Francastel, Pierre: La figure et le lieu : l’ordre visuel du Quattrocento, Paris 1967.
2 Clouzot, Martine: Musique, folie et nature au Moyen Âge. Les figurations du fou musicien dans les manuscrits enluminés (XIIIe - XVe siècles), Bern 2014, 500 p., 13 ill.
3 Guerreau-Jalabert, Anita: La culture ecclésiastique, in: Sot, Michel; Boudet, Jean-Patrice; Guerreau-Jalabert, Anita: Histoire culturelle de la France, Paris 1997, p. 143-179, ici p. 146.
4 Guerreau-Jalabert, Anita: La culture ecclésiastique, in: Sot, Michel; Boudet, Jean-Patrice; Guerreau-Jalabert, Anita: Histoire culturelle de la France, Paris 1997, p. 146.
5 Cf. Lever, Maurice: Le sceptre et la marotte. Histoire des fous de cour, Paris 1983.; Koopmans, Jelle: Le théâtre des exclus au Moyen Age. Hérétiques, sorcières et marginaux, Paris 1997.; Southworth, John: Fools and jesters at the English court, Stroud 1998.; Mezger, Werner; Götz, Irene: Narren, Schellen und Marotten. Elf Beitr. zur Narrenidee, Remscheid 1984 (Kulturgeschichtliche Forschungen).; Perry, Lucy: Behaving like fools. Voice, gesture and laughter in texts, manuscripts and early books, Turnhout 2011.
6 Heers, Jacques: Fêtes des fous et carnavals, Paris 1983.
7 Jacquart, Danielle: La réflexion médiévale et l’apport arabe, in: Bancaud, Jean; Quétel, Claude; Postel, Jacques (Hg.): Nouvelle histoire de la psychiatrie, Toulouse 1983, p. 43-53.
8 Laharie, Muriel: Images de la folie au Moyen Âge (XIIe-XVe siècle), in: Marie-Laverrou, Florence (Hg.): Le fou, cet autre, mon frère : littérature, civilisation et linguistique, Paris 2012., p. 19-34.
9 Fritz, Jean-Marie: Le discours du fou au Moyen Age. Etude comparée des discours littéraire, médical, juridique et théologie de la folie, Paris 1992.
10 Harris, Max: Sacred folly. A new history of the Feast of Fools, New York 2011.
11 Dull, Olga Anna: Folie et rhétorique dans la sottie, Genève 1994.
12 Foucault, Michel: Histoire de la folie à l’âge classique, Paris 1972 (1961).
13 Cf. Brucker, Charles: Sage et sagesse au Moyen Age (XIIe et XIIIe siècles). Étude historique, sémantique et stylistique, Genève 1987, p. 32-33.
14 Cf. Fritz, Jean-Marie: Le discours du fou au Moyen Age. Etude comparée des discours littéraire, médical, juridique et théologie de la folie, Paris 1992, p. 1-12.
15 Fritz, Jean-Marie: Le discours du fou au Moyen Age. Etude comparée des discours littéraire, médical, juridique et théologie de la folie, Paris 1992, p. 7-9.
16 Cf. Saward, John; Tadié, Marie: Dieu à la folie. Histoire des saints fous pour le Christ, Paris 1983, traduit de l’anglais par Marie Tadié, titre original: Perfects Fools: Folly for Christ’s sake in catholic and orthodox spirituality, Oxford, Oxford University Press, 1980.
17 Marbode, Patrologie latine, 171, col. 1483, cité dans Dalarun, Jacques: Robert d’Arbrissel, fondateur de Fontevraud, Paris 1986, p. 56-57.
18 Cf. Nattiez, Jean-Jacques: Histoires des musiques européennes, Bd. 4, Arles 2006 (Musiques. Une encyclopédie pour le XXIe siècle).
19 Cf. Bell, Nicolas: Music in medieval manuscripts, London 2001.
20 Eco, Umberto: Le problème esthétique chez Thomas d’Aquin, Paris 1993 (1970), p. 88-89 et Eco, Umberto: Les esthétiques de la proportion, in: Art et beauté dans l’esthétique médiévale, Paris 1997(1987), S. 55–75.
21 Malhomme, Florence; Wersinger, Anne-Gabrielle: Mousikè et aretè. La musique et l’éthique, de l’Antiquité à l’âge moderne, Paris 2007, p. 8.
22 Id., Platon: La république. Livre III, Platon oeuvres complètes, <http://remacle.org/bloodwolf/philosophes/platon/rep3.htm>, Stand: 19.04.2017, 396c-405d.
23 Cf. Eco, Umberto: Le problème esthétique chez Thomas d’Aquin, Paris 1993 (1970), p. 88-89 et Eco, Umberto: Art et Beauté dans l’esthétique médiévale, Paris 1997 (1987), p. 55-75.
24 Cf. Dull, Olga Anna: Folie et rhétorique dans la sottie, Genève 1994.
25 Quintilianus, Marcus Fabius: Institutes of Oratory, Book 8, Chapter 6, Rhetoric and Composition, <http://rhetoric.eserver.org/quintilian/8/chapter6.html>, Stand: 19.04.2017, 44.
26 Boltanski, Luc; Thévenot, Laurent: De la justification. Economie des formes de grandeur, Paris 1991.
27 Cf. Mullally, Robert: The Carole. A study of a medieval dance Ashgate, 2011; Schmitt, Jean-Claude: Les rythmes au Moyen Âge Paris 2016.
28 Wirth, Jean, avec la collaboration d'Isabelle Engammare et des contributions d’Andrea Braem, Herman Braet, Frédéric Elsig, Isabelle Engammare, Adriana Fisch Hartley, Céline Fressart, Les marges à drôleries dans les manuscrits gothiques (1250-1350), Genève 2008 (Matériaux pour l'Histoire publiés par L'Ecole des Chartes, 7).
29 Bruxelles, Bibliothèque Royale, ms. 9511, f. 387 v°, Bréviaire de Philippe le Bon, vers 1450.
30 Clouzot, Martine: Le fou et le livre: des exemples pour le roi. Le fou du roi et son iconographie (XIIIe-XVe siècle), in: Toussaint, Jacques (Hg.): Pulsion(s). Images de la folie du Moyen Âge au siècle des lumières, Namur 2012. p. 39-72.
31 Menard, Philippe: Les emblèmes de la folie dans la littérature et dans l’art (XIIe-XIIIe siècles), in: Backès, Jean-Louis; Payen, Jean-Charles (Hg.): Hommage à Jean-Charles Payen. Farai chansoneta novele, Caen 1989.; Gross, Angelika; Thibault-Schaefer, Jacqueline: Tristan, Robert le Diable und die Ikonographie des Insipiens, in: Buschinger, Danielle; Spiewok, Wolfgang (Hg.): Schelme und Narren in den Literaturen des Mittelalters: XXVII. Jahrestagung des Arbeitskreises Deutsche Literatur des Mittelalters, Greifswald 1994, p. 55-73.
32 Cf. Langenfeld, Dagmar; Götz, Irene: Nos stulti nudi sumus - Wir Narren sind nackt. Die Entwicklung des Standard-Narrentyps und seiner Attribute nach Psalterillustrationen des 12. bis 15. Jahrhunderts, in: Mezger, Werner; Götz, Irene (Hg.): Narren, Schellen und Marotten. Elf Beitr. zur Narrenidee, Remscheid 1984 (Kulturgeschichtliche Forschungen 3), S. 37–96.
33 Breviary of John the Fearless and Margaret of Bavaria, London 1413-1419, British Library, The Harley Collection, Signatur: Harley 2897.
34 Reprenant les Proverbes 10, 19, saint Augustin écrit dans le De Trinitate: « dans l’abondance de paroles, tu n’échapperas pas au péché ».
35 Paris, Bibliothèque nationale de France, ms. lat. 774, f. 63 v°, Psautier de Charles VIII, fin XVe s.
36 Langenfeld, Dagmar; Götz, Irene: Nos stulti nudi sumus - Wir Narren sind nackt. Die Entwicklung des Standard-Narrentyps und seiner Attribute nach Psalterillustrationen des 12. bis 15. Jahrhunderts, in: Mezger, Werner; Götz, Irene (Hg.): Narren, Schellen und Marotten. Elf Beitr. zur Narrenidee, Remscheid 1984 (Kulturgeschichtliche Forschungen 3), S. 37–96.
37 Fabre, Daniel: Carnaval, ou la fête à l’envers, Paris 1992.
38 Cf. Heers, Jacques: Fêtes des fous et carnavals, Paris 1983, p.105-189. Southworth, John: The Innocents, in: Southworth, John: Fools and jesters at the English court, Stroud 1998, S. 48–69. Cf.: Dahhaoui, Yann: Enfant-évêque et fête des fous: un loisir ritualisé pour jeunes clercs ?, in: Gilomen, Hans-Jörg; Schumacher, Beatrice; Tissot, Laurent (Hg.): Temps libre et loisirs du 14e au 20e siècle, Zürich 2005, p. 33-46; Harris, Max: Sacred folly. A new history of the Feast of Fools, New York 2011.
39 Sens, Bibliothèque municipale, ms. 33, early 13th c.; Bourquelot, Félix: Office de la Fête des Fous à Sens, Bulletin de la Société archéologique de Sens, 1854, p. 151-170 ; Villetard, Henri, Office de Pierre de Corbeil, Paris, 1907.
40 Pour les descriptions détaillées: Dahhaoui, Yann: Le pape de saint Etienne. Fête des Saints-Innocents et imitation du cérémonial pontifical de Besançon, in: Mémoires de cours: études offertes à Agostino Paravicini Bagliani par ses collègues et élèves de l’Université de Lausanne, Lausanne 2008 (Cahiers lausannois d’histoire médiévale 48), S. 141–158. Online: <http://parnaseo.uv.es/Ars/teatresco/Anejos/pape%20de%20Saint-Etienne-[obispillo]_Yann-Dahhaoui.pdf>, Stand: 19.04.2017.
41 Bourquelot, Félix: Office de la Fête des Fous à Sens, Bulletin de la Société archéologique de Sens, 1854, p. 154-155.
42 Heers, Jacques: Fêtes des fous et carnavals, Paris 1983, p. 136-141.
43 Sens, Bibliothèque municipale, ms. 33, f. 1: « Me judice, tristis / Quisquis erit revomendus erit solemnibus istis / Sint hodie procul invidiae, procul omnia moesta. / Laeta volunt, quicumque asinaria festa ».
44 Sens, Bibliothèque municipale, ms. 33, f. 27 v°: « Conductus ad Ludarium ».
45 Sens, Bibliothèque municipale, ms. 33, f. 28 v°: « Conductus ad Poculum ».
46 Sens, Bibliothèque municipale, ms. 33, f. 29: « Conductus ad Prandium ».
47 Luc 6 « Heureux vous qui êtes pauvres, le royaume de Dieu est à vous ».
48 Luc 16-17.
49 Voir le détail du rituel décrit par John W. Baldwin, art. cit., p. 647.
50 Cf. Wright, Craig: Music and ceremony at Notre Dame of Paris, 500-1550, Cambridge 1989.
51 John W. Baldwin, art. cit., p. 647.
52 Innocent III, Cum decorem: « On fait quelque fois dans les églises des spectacles et des jeux de théâtre et, non seulement on introduit dans ces spectacles et ces jeux des monstres de masques, mais même en certaines fêtes, des diacres, des prêtres et des sous-diacres prennent la hardiesse de faire ces folies et ces bouffonneries (...). Nous vous enjoignons, mon frère, d’exterminer de vos églises la coutume ou plutôt l’abus et le dérèglement de ces spectacles et de ces jeux honteux, afin que cette impureté ne souille pas l’honneur de l’Eglise », cité par Du Tilliot, Jean-Bénigne Lucotte: Mémoires pour servir à l’histoire de la fête des foux, qui se faisoit autrefois dans plusieurs églises, Lausanne, Geneve 1751, p. 58.
53 Du Tilliot, Jean-Bénigne Lucotte: Mémoires pour servir à l’histoire de la fête des foux, qui se faisoit autrefois dans plusieurs églises, Lausanne, Geneve 1751, p. 102-103. Ce mandement fonde l’acte de naissance de la « Compagnie de la Mère Folle »: cette confrérie était composée d’une cour de fous avec, à sa tête, un souverain vêtu d’une coiffe à grelots et d’un bâton en bois sculpté. Elle était chargée d’organiser les manifestations festives et carnavalesques dijonnaises. La « Compagnie de la Mère Folle » ne constitue pas un cas isolé. Plusieurs sociétés joyeuses, abbayes de jeunesse, confréries de métiers et compagnies folles ont été fondées aux XVe et XVIe siècles. Cf. Heers, Jacques: Fêtes des fous et carnavals, Paris 1983, p.105 ; Rossiaud, Jacques: La prostitution médiévale, Paris 1988.
54 Gaignebet, Claude; Lajoux, Jean-Dominique: Art profane et religion populaire au Moyen Age, Paris 1985, p. 169.
55 Oxford, Bodleian Library, ms. Bodley 264, f. 84 v°, Le Roman d’Alexandre, vers 1338-44, Bruges. Cf. Ménard, Philippe: Les fous dans la société médiévale. Le témoignage de la littérature au XIIe et au XIIIe siècle, in: Romania 98 (392), 1977, S. 433–459. Online: www.persee.fr, <http://dx.doi.org/10.3406/roma.1977.2537>, Stand: 19.04.2017 et Ménard, Philippe: Les illustrations marginales du Roman d’Alexandre (Oxford, Bodleian Library, Bodley 264), in: Braet, Herman; Latré, Guido; Verbeke, Werner (Hg.): Risus mediaevalis. Laughter in medieval literature and art, Leuven 2003 (Mediaevalia Lovaniensia), S. 75–118.
56 Cf. Cruse, Mark: Illuminating the Roman d’Alexandre: Oxford, Bodleian Library, MS Bodley 264. The manuscript as monument, Cambridge 2011; Clouzot, Martine: Musique et performance d’un miroir princier. L’iconographie musicale du Roman d’Alexandre d’Oxford (Bodleian Library, ms. Douce 264, vers 1338-1344), in: Saulnier, Daniel; Livjanic, Katarina; Cazaux-Kowalski, Christelle (Hg.): Lingua mea calamus scribae. Mélanges offerts à madame Marie-Noël Colette, Solesmes 2009, S. 89–100.
57 Bullock-Davies, Constance: Menestrellorum multitudo. Minstrels at a royal feast, Cardiff 1978; Rastall, Richard: Minstrels and Minstrelsy in Household Account Books, in: Dutka, Joanna (Hg.): Records of early English drama: proceedings of the First Colloquium at Erindale College, University of Toronto, 31 August - 3 September 1978, Toronto 1979, S. 3–21.
58 Cf. Wright, Craig: Music at the Court of Burgundy, 1364-1419. A documentary history, Henryville/Ottawa, Binningen 1979 (Musicological Studies, 28); Munrow, David; Previn, André; Kiefe, Laurence: Les Instruments de musique du Moyen Age et de la Renaissance, Paris 1979 ; Marix, Jeanne: Histoire de la musique et des musiciens de la cour de Bourgogne sous le règne de Philippe le Bon (1420-1467), Strasbourg, 1939, réimpr. Genève, Minkoff, 1972.
59 La Haye, Museum Meermanno-Westreenianum, ms. 10 A 11, f. 48 v°.
60 Ibidem, f. 52 v°, La Cité de Dieu, 1475-80.
61 Quéruel, Danielle: Des gestes à la danse : l’exemple de la «Morisque» à la fin du Moyen-Âge, in: Le geste et les gestes au Moyen Âge, Aix-en-Provence 1998 (Senefiance 41), S. 499–517. Online: OpenEdition Books, <http://books.openedition.org/pup/3527>, Stand: 19.04.2017, p. 501-517 (Sénéfiance, 41).
62 Paris, Bibliothèque nationale de France, ms. fr. 2810, f. 16 v°.
63 Archives nationales, B 1938, f. 72.
64 Archives nationales, B 1938, f. 125: « sept habis de drap de soye et de pluiseurs coulleurs de estrange fachon, propices à danser la morisque et iceux enrichy d'ouvrage de peaulx d'or et d'argent (...) une paire de chausses de toille ou sont faictes testes de serpent de bature d'or party (...) sollers et sonnettes pour a tous iceulx habiz danser la morisque ».
65 Mâle, Émile: L’art religieux de la fin du Moyen âge en France. Étude sur l’iconographie du Moyen âge et sur ses sources d’inspiration, Paris 1949, p. 370; Utzinger, Hélène; Utzinger, Bertrand: Itinéraires des Danses macabres, Chartres 1996.
66 Cf. Schmitt, Jean-Claude: Les revenants. Les vivants et les morts dans la société médiévale, [Paris] 1994, p. 243-47.
67 Londres, British Library, ms. Arundel 83, f. 127, Psautier de Robert De Lisle, vers 1310.
68 Utzinger, Hélène; Utzinger, Bertrand: Itinéraires des Danses macabres, Chartres 1996, p. 228.
69 Paris, Bibliothèque nationale de France, ms. fr. 25434, La danse macabre de Guyot Marchant, 1484.
70 Paris, Bibliothèque nationale de France, Estampes, Te. 8 Rés. C. 21297-301, f. 23 et 24, La Danse macabre d’Antoine Vérard, 1490.
71 Foucault, Michel: Histoire de la folie à l’âge classique, Paris 1972, p. 26.
72 Foucault, Michel: Histoire de la folie à l’âge classique, Paris 1972, p. 45.
L'insensé fou dansant du psaume
test psalm
Publications
L'insensé fou dansant du psaume
Le fou apparaît sous cette figure dans les manuscrits des XIIe et surtout XIIIe siècles. Il danse seul. Tout l'oppose à David, figure biblique par excellence. Il est défini en opposition à David, comme un motif principal du mundus inversus. Plus de 340 documents enregistrés dans la base Folimages1 mettent en avant un certain nombre de caractéristiques visuelles qui identifient cette figure très normée, très fréquente dans les mêmes manuscrits (dans des psautiers et livres d'Heures), et dans les mêmes mises en page (dans l'initiale historiée D de l'incipit Dixit insipiens du psaume 52 (53)).Agité, le fou déborde le cadre de l'initiale tandis que David trône sous une architecture ou n'est pas même représenté. Le fou est à moitié nu, en chemise ou enveloppé dans un drap. Il est hirsute ou tonsuré, porte une capuche ou un bonnet et un vêtement unicolore ou bicolore de couleur jaune, vert et/ou rose. David porte un beau manteau et une couronne, voire un sceptre. Le fou est debout, gesticule vers la droite et la gauche, croise ou lève une jambe, lève une main ou un bras, tourne le dos. A côté, David est dans une attitude recueillie, debout, assis ou agenouillé, de face, tourné vers le fou ou vers Dieu. Le fou danse, sautille, crie, grimace, blasphème ("Non est Deus"), agite des grelots, parle à sa marotte, montre du doigt, brandit un bâton ou une massue, mord ou tient un objet rond. A l'opposé, David regarde calmement le fou, joue de la harpe, prie et s'adresse à Dieu, introduit les psaumes. Le fou personnifie le péché et le vice ; David incarne la vertu morale, la sagesse. L'insensé du psaume constitue l'image principale et admirablement durable du fou.
1 Cette base de données en cours d'élaboration à l’UMR ARTEHIS (Dijon, Université de Bourgogne) répertorie et analyse les images médiévales de la folie.
Le chevalier et le fou (2012)
Alicia Servier:
Le chevalier et le fou. Du personnage à la figure dans les enluminures du Lancelot du Lac (XIIIe – XVe siècle), 2012.
La représentation de l’insipiens (2000)
Angelika Gross:
La représentation de l’insipiens et la catégorisation esthétique et morale des parties corporelles dans le Buch Der Natur de Konrad von Megenberg, 2000.
Sémiotique de la tonsure (1995)
Angelika Gross, Jacqueline Thibault-Schaefer:
Sémiotique de la tonsure, de l’«insipiens» à Tristan et aux fous de Dieu, 1995.
L’idée de la folie en texte et en image (1993)
Angelika Gross:
L’idée de la folie en texte et en image. Sébastian Brandt et l’insipiens, 1993.
L’exégèse iconographique du terme «insipiens» (1989)
Angelika Gross:
L’exégèse iconographique du terme 'insipiens' du Psaume 52, 1989.
Images
British Library
London:
British Library: 32 images
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Le fou de la Fête des Fous
Publications
Le fou de la Fête des Fous
Le fou n'est plus isolé, il est lié à un groupe. Il participe aux gesticulations, danses et désordres de foule autorisés par l'Eglise. Il est un acteur du rituel ecclésiastique et laïque organisé où tout s'inverse durant quelques jours entre la Saint-Etienne et le Nouvel An.Le fou participe à un rituel organisé par le haut clergé, mais célébré par le bas clergé, les diacres et enfants de chœur. Il s'associe aux danses, jeux et spectacles satiriques, aux processions et chants parodiques de l'office. Il partage le festin offert aux enfants, caricature de l 'Eucharistie. Il prend part à la Fête de l'Âne (procession sur l'Âne, office de l'Âne, prose de l'Âne) qui travestit le récit de la Nativité. Sous la figure principale de l'Évêque des Fous, avec ses grelots et marottes, il pastiche le rôle de l'évêque, ses attributs et ses fonctions.
Enfant-évêque et fête des fous (2005)
Yann Dahhaoui:
Enfant-évêque et fête des fous. Un loisir ritualisé pour jeunes clercs?, Zürich 2005.
La Fête des fous dans le nord de la France (XIVe-XVIe) (2002)
Pierre Emmanuel Guilleray:
La Fête des fous dans le nord de la France (XIVe-XVIe), Paris 2002.
La Fête des Fous dans l’Encyclopédie (1998)
Renée Relange:
La Fête des Fous dans l’Encyclopédie, 15.10.1998.
Office de Pierre de Corbeil (1907)
Henri Villetard:
Office de Pierre de Corbeil (Office de la circoncision) improprement appelé Office des Fous, Paris 1907.
Notice sur les fêtes des ânes et des fous (1823-1904)
Jacques-Xavier Carré de Busserolle:
Notice sur les fêtes des ânes et des fous qui se célébraient au moyen âge dans un grand nombre d’églises, et notamment à Rouen, à Beauvais, à Autun et à Sens, Rouen (1823-1904).
Office de la Fête des Fous à Sens (1854)
Félix Bourquelot:
Office de la Fête des Fous à Sens. Introduction, textes et notes, Sens 1854.
Memoires pour servir à l’histoire de la fête des foux (1741)
Jean-Bénigne Lucotte Du Tilliot:
Memoires pour servir à l’histoire de la fête des foux, qui se faisoit autrefois dans plusieurs églises, Lausanne, Genève 1741.
Images
Images
Les images médiévales de la fête des fous sont extrêmement rares. Deux documents liés à cette fête sont enregistrés dans la base de données Folimages (Dijon, Artehis, M. Clouzot, M.-J. Gasse-Grandjean).Musique
Polyphonies de Notre-Dame de Paris (2013)
Ensemble Diabolus in Musica:
Polyphonies de Notre-Dame de Paris, XIIe-XIIIe siècles, ADF-Bayard Musique, 2013.
Perotin and the Ars Antiqua (2007)
The Hilliard Ensemble:
Perotin and the Ars Antiqua, Coro 2007.
Pérotin et l’Ecole Notre-Dame de Paris (2006)
Ensemble Gilles Binchois:
Pérotin et l’Ecole Notre-Dame de Paris, 1160-1245, 2006.
La Fête des Fous (2005)
Emmanuel Bonnardot:
La Fête des Fous, Calliope, 2005.
La Fête de l’Âne (1998)
Clemencic Consort:
La Fête de l’Âne, Harmonia Mundi, 1998.
Messe du Jour de Noël (1996)
Ensemble Organum, Marcel Peres:
Messe du Jour de Noël, Harmonia Mundi, 1996.
Le fou dans les danses de cour
Publications
Le fou dans les danses de cour
Le fou est "adopté" et affiché par le pouvoir laïque. Il assure la publicité du mundus inversus pour le plus grand nombre. Il participe aux jeux de cour au milieu des jongleurs, ménestrels et animaux. Il gesticule, saute dans des directions opposées, il est entraîné dans des farandoles impossibles du roman d'Alexandre. Le fou danse nu ou apparaît travesti (en homme sauvage ou à la mode orientale en turban et couleurs vives).Images de la folie au tournant du Moyen Âge et de la Renaissance (2012)
Guillaume Berthon, Xavier Leroux:
Images de la folie au tournant du Moyen Âge et de la Renaissance, 2012.
Roi des ménestrels, ménestrel du roi ? (2010)
Martine Clouzot:
Roi des ménestrels, ménestrel du roi ? Statuts, fonctions et modèles d’une autre royauté aux XIIIe, XIVe et XVe siècles, Paris 2010.
Sonare et ballare
Martine Clouzot:
Sonare et ballare. Musique et danse dans les manuscrits de la fin du Moyen Âge
Le fou du duc à la cour de Bourgogne (2003)
Martine Clouzot:
Le fou du duc à la cour de Bourgogne aux XIVe et XVe siècles, 2003.
Fous du roi et roi fou (2002)
Bernard Guenée:
Fous du roi et roi fou. Quelle place eurent les fous à la cour de Charles VI ?, 2002.
Des gestes à la danse (1998)
Danielle Quéruel:
Des gestes à la danse : l’exemple de la «Morisque» à la fin du Moyen-Âge, 1998.
Le Fol dans les moralités du Moyen Age (1985)
Margarete Newels:
Le Fol dans les moralités du Moyen Age, 1985.
Images
Musique
Instruments de musique du Moyen Âge (2007)
David Munrow & Early Music Consort of London:
Instruments de musique du Moyen Âge, 2007.
Vox Aurea (1999)
Obsidianne, Emmanuel Bonnardot:
Vox Aurea – Ockeghem, Motets ; Faugues, Missa La Basse Danse, 1999.
Musique à danser de la Renaissance française (1995)
Compagnie Maître Guillaume:
Musique à danser de la Renaissance française, 1995.
La Danse à la Cour de Bourgogne (1988)
La Maurache:
La Danse à la Cour de Bourgogne, 1988.
Le fou dans les danses macabres
Publications
Le fou dans les danses macabres
Le fou symbolise à la fois une humanisation et un frein dans le cycle de la vie vers la mort, dans la farandole éternelle. Le fou déborde de vie et de gaieté à côté des squelettes et autres symboles macabres. Il égaie la scène noire et tout en grisaille par ses couleurs vives. Il gesticule, crée le désordre dans cette danse ordonnée vers la mort.Peindre sa mort et celle des autres (2007)
Hans-Jürgen Greif:
Peindre sa mort et celle des autres: danse macabre de Niklaus Manuel Deutsch, 2007.
Les danses macabres et leurs métamorphoses (2000)
Caroline Gabion-Denhez:
Les danses macabres et leurs métamorphoses (1830 - 1930), 2000.
La représentation de la société dans les danses des morts (1969)
André Corvisier:
La représentation de la société dans les danses des morts du XVe au XVIIIe siècle, 1969.
Images
Images
Les images de danses macabres sont principalement peintes, sculptées et gravées. Elles sont rares dans les enluminures. Voir à titre indicatif:Bibliothèque nationale de France
Paris:
Bibliothèque nationale de France, ms. fr. 995, La Danse macabre. Des trois Morts et des trois Vifs. La Danse macabre des femmes, XVe siècle.
Musique
Carmina Burana. Codex Buranus (2009)
Clemencic Consort:
Carmina Burana. Codex Buranus. Original Version, Oehms, 2009.
The Carmina Burana (2009)
Joël Cohen, The Boston Camerata:
The Carmina Burana, 2009.
Erasmus van Rotterdam : Eloge de la folie (2012)
Jordi Savall, La Capella Reial de Catalunya, Hespèrion XXI:
Erasmus van Rotterdam : Eloge de la folie, 2012.